Les écrans à la maison : comment les gérer ?
- Camille Lafond
- 7 sept. 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 nov. 2024
Quels sont les impacts des écrans sur le développement de l'enfant et quelles sont les recommandations pour les gérer ? Comment gérer les crises et ne pas se sentir coupable ? Et les réseaux sociaux dans tout cela ?
Tant de questions importantes et qui deviennent impossible à contourner. Cet article vise à donner quelques points de repères pour préserver le cerveau de vos petits, prendre soin de la santé mentale de vos ados, et conserver le lien familial à la maison.
Tout d'abord, de quels écrans parle-t-on ?
Lorsqu'on parle des écrans, cela ne concerne pas juste la télévision. Il s'agit aussi de la tablette, de l'ordinateur, des jeux vidéos, et du téléphone. L'encadrement des écrans ne concerne pas non plus uniquement ceux que votre enfant regarde mais aussi des vôtres.
En effet, de nombreuses études ont démontré que les parents qui regardent leur téléphone en présence de leur enfant en bas âge l'empêche de bénéficier d'un temps de regard dont il a besoin pour se développer, ce qui impacte sur le développement de son vocabulaire ainsi que sur la qualité du lien d'attachement, donc également sur ses futures capacités de régulation émotionnelle. Bref, c'est pas une mince affaire.
Quels sont les impacts ?
Ils sont nombreux, et si on devait les résumer en image, nous pourrions choisir l'affiche réalisée par l'association Lâche ton écran qui est très bien construite.

Vous l'aurez compris, trop d'écran peut toucher votre enfant dans sa qualité de vie à l'école et avec les autres, dans sa mobilité, dans ses facultés attentionnelles et émotionnelles. On peut aisément en déduire que s'il est impacté par toutes ces difficultés il sera également mis à mal dans sa confiance en lui. Il y a donc de quoi ne pas prendre cela à la légère.
Comment les gérer ?
Avant trois ans : zéro écran
Toutes les études et recommandations sont unanimes à ce sujet : avant trois ans, on évite de façon radicale. A ce stade de son développement, votre enfant développe ses interactions, sa sensorialité et ses repères spatio-temporels : il a besoin de manipuler des objets, de regarder des vraies bouches qui parlent, de bénéficier d'une vraie présence, de votre regard et de votre voix. Mieux vaut éteindre complètement la télévision lorsqu'il est dans une pièce.
Lui faire toucher du doigt votre smartphone ne lui apportera aucun apprentissage dans le monde réel. Il est à noter également que de ses 0 à ses 3 ans, l'enfant commence à développer son vocabulaire et au plus il en développe, au plus son imaginaire sera riche, au plus il sera en capacité de trouver des mots pour dire ce qu'il ressent, ce qu'il pense et ce qu'il observe. Il est fondamental de lui faire développer ce matériel interne pour qu'il puisse apprendre plus facilement à - nommer - plutôt qu'à taper, mordre, ou crier.
Autrement dit, si vous souhaitez faire en sorte qu'en grandissant votre enfant apprenne à bien gérer ses émotions, vous pouvez agir dès sa naissance : parler à votre bébé l'aidera à développer un maximum de mots ainsi que de la sécurité dans son lien avec vous. Pour y parvenir, il est fondamental de regarder votre enfant dans les yeux lorsque vous interagissez avec lui et de veiller à ce que votre téléphone ne lui vole pas un temps précieux de votre regard dont il a besoin pour bien se développer.
Si vous souhaitez toutefois utiliser votre téléphone, mieux vaut structurer ce temps : passez relais à l'autre parent en verbalisant à votre enfant que vous avez quelque chose d'important à faire et que vous reviendrez à lui quand vous aurez fini plutôt que de regarder votre téléphone lorsque vous êtes à côté de lui.
Les recommandations âge par âge
Voici une affiche qui résume très bien les repères selon chaque âge : retenez qu'il y a un curseur d'évolution à 3 - 6 - 9 - 13 ans.

Grosso modo, selon le tableau et dans un monde idéal, on tente de ne pas dépasser 30 minutes d'écran par jour jusqu'à ses 13 ans (tout écran confondus), et on ne laisse pas son enfant gérer ce temps tout seul. Bien sûr, ce sont des repères, mais le moins d'écran possible est le mieux, et ce à n'importe quel âge (mais surtout jusqu'à 6 ans).
En revanche, le but n'est pas de se culpabiliser ni de devenir un(e) control freak du jour au lendemain. Si jusqu'à lors, votre enfant regardait troix heures d'écran par jour, ça risque en effet d'être très compliqué de changer de cadre du tout au tout. On garde en tête l'aspect progressif dans le changement des habitudes et on fait avec les moyens du bord. Car évidemment, si on est un parent qui gère seul à la maison, si on a un(e) conjoint(e) qui coopère ou pas, si on a un ou cinq enfant(s), si on est au bord du burn-out ou pas : les difficultés de gestion du quotidien ne seront pas les mêmes. Je rappelle également que cet article n'a pas l'ambition de remplacer à lui tout seul une guidance parentale sur mesure.
Si ces repères vous semblent irréalisables dans votre configuration à la maison : gardez à l'esprit que l'important est de faire de son mieux avec les outils à disposition, et on essaye dans la mesure du possible de ne pas dépasser une heure par jour, en évitant les écrans le matin, pendant les repas et avant de se coucher*.
*(Et on n'oublie pas accessoirement de remercier chaque soir le parent que nous sommes, avec nos ressources et nos limites).
Voici une liste (non exhaustive) de conseils d'encadrement à instaurer pour se faciliter la vie :
Créez une petite fiche visuelle qui explique les règles que vous accrochez quelque part où vous pouvez par exemple inviter votre enfant à colorier ou faire un dessin des règles écrites. Ainsi, il en deviendra plus facilement acteur et il se les appropriera plus facilement.
Expliquez lui les raisons de ce cadre en lui expliquant les risques pour sa santé s'il reste trop longtemps devant les écrans.
L'utilisation d'un Timer peut aider votre enfant à accepter la fin du temps d'écran car c’est un repère visuel partagé. La sonnerie du Timer acte la fin et constitue un tiers entre vous et l'enfant. Cela l'aidera également à se réguler en apercevant l'aiguille avancer dans le temps.
Annoncez la fin du temps d'écran 5-10 minutes avant la fin (même s'il y a un Timer !)
Annoncez en amont l'activité qui suivra après les écrans de manière à ce qu'il s'attende à quelque chose après et puisse rediriger son attention plus facilement.
Si c'est la crise malgré tout : ne lâchez pas votre cadre et accompagnez la crise en gardant à l'esprit que si votre enfant part en colère, cela ne veut pas dire que vous êtes un horrible parent bien au contraire, mais que son cortex pré-fontal n'est pas encore suffisamment mature pour accepter la frustration et qu'il apprends.
L'importance du co-visionnage
Pourquoi co-visionner? D'une part car votre enfant doit acquérir la maturité cognitive pour réguler ses choix et ses pulsions, or si vous le laissez seul devant la TV, Youtube ou Netflix, et qu'il découvre un contenu qui l'intéresse très fort, il ne sera pas nécessairement en capacité de d'abord vérifier si celui-ci est adapté à son âge. Il cliquera dessus, simplement, et il risquera de tomber sur un contenu qui n'est pas approprié pour lui. Donc dans un monde idéal, on regarde avec lui mais si c'est pas possible, pas de panique : on choisit avec lui le programme. L'intérêt de co-visionner ou du moins, de garder du contrôle sur ce que regarde votre enfant réside aussi dans le fait de favoriser une discussion post-écran.

En effet, des études tendent à démontrer que le temps partagé devant et/ou au sujet de l'écran peut aussi être utilisé comme un temps de qualité au service du lien d'attachement. Ainsi, à la fin du temps d'écran vous pouvez profiter d'un temps de discussion ritualisé en posant des questions à votre enfant. Qu'est qu'il a aimé dans le dessin animé et qu'est-ce qu'il a ressenti ? Quel était son personnage préféré ? Quel était le moment qu'il a le moins aimé et pourquoi ?
Si vous avez co-visionné ensemble, vous pouvez aussi lui raconter ce que vous, vous avez aimé et moins aimé. Il apprendra que l'on ne ressent pas toujours les choses de façon similaire et cela l'aidera à développer son empathie. Il apprendra aussi que l'on peut à la fois aimer et pas aimer en même temps, ce qui lui fera développer l'ambivalence de sa pensée. Cela participe ainsi à ses compétences langagières, sociales et émotionnelles. Votre enfant sera heureux que vous vous intéressiez à ce qu'il a regardé et il passera d'une posture passive à active en faisant l'effort de mettre des mots sur ce qu'il a visualisé. En bref, ce serait presque dommage de se priver de ce temps-là.
Par ailleurs, cet exercice fonctionne aussi avec les jeux vidéos. Demandez à votre enfant de vous expliquer le but de son jeu, le personnage qu'il a choisi pour combattre, les quêtes qu'il a réalisé. On en apprend souvent beaucoup plus que l'on pense sur la personnalité de notre enfant en s'intéressant à la façon dont il joue aux jeux vidéos car ils n'apprécient pas tous les mêmes choses. Par ailleurs, cela peut être intéressant de privilégier jusqu'à l'adolescence des jeux où vous jouez avec lui et alterner entre des jeux de coopération et en duel.
Le téléphone
Le smartphone et les réseaux sociaux... C'est sans nul doute tout un sujet qui nécessite plus qu'un article pour en mesurer les tenants et les aboutissants, et il est de plus en plus difficile de tenir bon en tant que parent. Quel est le curseur ? De façon générale, vous l'aurez vu dans le tableau: on évite avant 13 ans. Si nécessaire, privilégiez les téléphones à clapet avant cet âge. Un enfant de 8 ans n'a pas besoin pour son développement psychique d'aller sur les réseaux ni d'avoir le dernier Iphone 180 pro maxi flex pour danser sur TikTok même s'il vous prétend l'inverse, et il a besoin de votre aide pour l'aider à se réguler.

Les réseaux sociaux
Les dangers associés aux réseaux sociaux sont nombreux : comparaison sociale, impact sur l'estime de soi, cyber-hacèlement, addictions, trouble du sommeil, trouble du comportement alimentaire, trouble anxieux, dépression... Rappelons tout de même que le cerveau des enfants et des adolescents ainsi que leur appareil psychique sont en pleine construction jusqu'à 25 ans. Or de nombreuses études tendent à démontrer que l'usage des réseaux sociaux est significativement lié à une dégradation considérable de la santé mentale de nos jeunes. Il a également été démontré que les adolescents ont tendance à utiliser les réseaux comme des anesthésiants émotionnels lorsqu'ils ne se sentent pas très bien ou anxieux, ce qui les empêche de développer d'autres stratégies de régulation émotionnelle.
Ainsi, penser, parler, écrire, dessiner, faire du sport, bref, tout ce qui implique un effort pour aller mieux devient de plus en plus compliqué. Ressentir l'inconfort, l'ennui, la tristesse et la colère devient également de plus en plus intolérable alors que ressentir fait de nous des êtres simplement vivants. Nos émotions communiquent quelque chose de nos besoins et de nos limites, donc les anesthésier est confortable sur l'instant mais tend à nous déshumaniser face au réel. Il est donc indispensable de s'y intéresser, de trouver le juste équilibre entre tenir son cadre au service de leur développement, et à la fois d'accepter de s'adapter au monde dans lequel on évolue.

Comment réguler ?
Lorsque votre ado acquiert son premier téléphone: faites le point en amont sur les réseaux que vous décidez d'accepter qu'il installe ou pas. Des études tendent à démontrer que tous les réseaux sociaux n'impactent pas de la même façon nos jeunes. Il semblerait que Youtube soit le moins néfaste, tandis qu'Instagram et TikTok sont à bannir le plus longtemps possible.
Intéressez-vous à ce que votre ado fait sur son temps de téléphone, ce qu'il a regardé comme vidéo, ce qu'il a appris, les influenceurs qu'il aime suivre et regarder.
Veillez à ce qu'il n'accepte aucune demande d'amis qu'il ne connaisse pas.
Regardez ensemble des reportages, informez-vous ensemble sur les enjeux liés à l'utilisation des écrans et des réseaux sociaux. Deux reportages datant de 2020 sont excellents à ce sujet : "Génération écrans, génération malade ?" ARTE sur Youtube et "Derrière nos écrans de fumée" sur Netflix.
Créez une boite à téléphone dans laquelle tout le monde le déposera à certains moments de la journée (pour les repas ou le temps des devoirs par exemple). Essayez d'appliquer cette règle à tout le monde pour donner l'exemple et pour faire accepter cette règle plus facilement. Par ailleurs, la qualité des moments partagés sera bien meilleure.
Intéressez-vous à son état moral au quotidien et proposez lui des activités pour l'aider à réguler lorsque ça ne va pas : mettre de la musique à fond dans la maison et danser, peindre, prendre le goûter ensemble et discuter de la journée, préparer le repas en famille... Inspirez-vous de ses intérêts et/ou des vôtres. Toutes ces choses peuvent s'explorer ensemble et renforcer le lien en toute légèreté.
Bien sûr, cette liste de conseil est très loin d'être exhaustive mais constitue quelques repères. Avant tout: écoutez-vous, suivez vos intuitions, puisez dans vos ressources, informez vos enfants et vos adolescents, nourrissez le dialogue autour de ces sujets. Au final, le plus important, c'est de préserver le lien pour ne pas laisser nos jeunes airer seuls dans la virtualité de notre monde.
Pour aller plus loin, voici les sources:
Quelques affiches de prévention intéressantes : https://www.psychomotricien-liberal.com/2018/03/06/centralisation-affiches-et-infographies-sur-les-ecrans/
https://www.bloghoptoys.fr/infographie-quel-ecran-pour-quel-age-2
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